Ce livre sera précieux à qui voudrait vivre, pas à pas, les derniers jours de la vie de Jésus sur terre à partir de son entrée triomphale à Jérusalem. Tous les derniers moments vécus par Lui sont lus et accompagnés de catéchèses merveilleuses du Pape et ce jusqu’à son Ascension auprès du Père. L’idéal serait même de lire l’ouvrage Bible en main pour mieux vivre ces moments.
Comme pour le premier tome, notons tout d’abord la double signature de l’ouvrage : Joseph Ratzinger et Benoît XVI. Il s’agit en effet d’un travail qu’il avait commencé à écrire alors qu’il était cardinal et qu’il a complété depuis. Mais surtout cette double signature souligne l’humilié du Saint-Père qui nous livre ici son cœur de chrétien, ses recherches de théologien, en toute simplicité.
Ensuite, remarquons les courts chapitres, toujours très clairement écrits, qui rendent le livre plus facile d’accès que le tome 1er, inutile donc d’être féru de théologie pour le lire. Certains passages sont certes consacrés à des questions théologiques difficiles - controverses inconnues des non-spécialistes - mais ils n’appesantissent pas l’ouvrage. Autre piège fréquent qu’a su éviter le Saint-Père : confondre savoir et foi. Nous pouvons en savoir beaucoup sur Jésus et ne pas avoir la foi. Ici le Pape nous invite à connaitre Jésus et non à en savoir beaucoup sur Lui. Déjà Saint Thomas d’Aquin expliquait que la théologie est la science des saints. Les saints sont les plus grands "connaisseurs de Dieu" parce qu’ils "aiment" de tout leur cœur (cf. Père Lethel, exercices spirituels de Carême à la Curie romaine, mars 2011).
Dans son court avant-propos, le Pape nous explique très clairement sa méthode et ce qu’elle n’est pas. Il commence par montrer son approche profondément ouverte au dialogue, en évoquant le Jésus publié en 2008 par celui qu’il appelle un "frère œcuménique", le théologien protestant Joachim Ringleben. Pour Benoit XVI, les deux ouvrages une "profonde unité au niveau de la compréhension essentielle de la personne de Jésus et de son message" et il précise : "C’est la même foi qui agit, même à partir d’approches théologiques différentes ; une rencontre se produit avec le même Seigneur Jésus". Aussi espère-t-il que les deux livres pourront constituer "un témoignage œcuménique (...) utile à la mission commune fondamentale des chrétiens" (p.8). Que l’on ne nous dise plus que Benoit XVI refuse le dialogue et impose ses Diktats !
Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre avec beaucoup de fermeté en expliquant qu’ "En deux cents ans de travail exégétique, l’interprétation historico-critique a désormais donné tout ce qu’elle avait d’essentiel à donner". Il faut donc renouveler l’exégèse en franchissant un pas supplémentaire, afin qu’elle "se reconnai(sse) de nouveau comme une discipline théologique, sans renoncer à son caractère historique" (p.8). Telle est son ambition.
Il n’a voulu écrire ni une Vie de Jésus, ni un traité de christologie. Mais tout simplement aider le lecteur à rencontrer le Jésus réel, tel qu’Il a vécu, tel qu’Il vit aujourd’hui. Et ceci afin que nous puissions développer une "relation personnelle avec lui", connaitre son histoire, ce qui s’est vraiment passé, et donc L’aimer toujours d’avantage.
Dans le corps du texte, Benoit XVI relate donc les derniers jours de la vie de Jésus sur terre, ceux que nous vivons de la Semaine Sainte à l’Ascension. La narration est toujours accompagnée de réflexions catéchétiques très profondes, mais non exubérantes, conformément la personnalité discrète de Benoit XVI. Elle fait aussi appel à des approches transversales de la Bible, en particulier le thème du Serviteur de Dieu, qui porte le péché de la multitude (Isaïe) et du martyr d’Etienne. Comme le dit l’auteur lui-même, l’examen des faits s’entremêle avec la Parole de Dieu, parce que Jésus en est l’accomplissement.
Ainsi le Christianisme n’est pas une religion au sens où il lui faut un temple pour se réunir (cf. les très beaux développements sur le Christ - nouveau Temple, pp. 25 ss. et pp. 56 ss.), ou encore au sens des rites de sacrifices païens. Le sacrifice spirituel du Christ ne se comprend pas comme la nécessité de devoir apaiser la colère de Dieu.
Le Christianisme n’est pas non plus une morale (notamment puritaine précise-t-il !).
Il est une rencontre, un don. C’est Jésus, et Jésus seul qui nous rend purs et nous donne la possibilité d’accomplir le Sermon sur la montagne. Il est à la fois "passage" et "don ", les deux allant de pair.
"Alors surgit cette question : comment le cœur devient-il pur ? Qui sont les hommes au cœur pur, qui peuvent voir Dieu (Mt 5,8) ? L’exégèse libérale a dit que Jésus aurait substitué à la conception rituelle de la pureté celle de la pureté morale : au lieu du culte et de son monde, se serait introduite la morale. Alors, le christianisme serait essentiellement une morale, (…). Mais ainsi on ne rend pas justice à la nouveauté du Nouveau Testament. (…) La foi purifie le cœur. Ce n’est pas une simple décision autonome des hommes. La foi nait parce que les personnes sont touchées intérieurement par l’Esprit de Dieu, qui ouvre leur cœur et le purifie. (…) "Déjà, vous êtes purs grâce à la parole que je vous ai fait entendre " (…) C’est sa parole qui pénètre en eux, qui transforme leurs pensées et leur volonté, leur "cœur " et qui l’ouvre afin qu’il devienne un cœur qui voit " (pp.78-79). Benoit XVI continue ensuite ses développements sur la Loi nouvelle, insistant toujours sur la gratuité de l’amour de Dieu. "Saint Thomas d’Aquin pouvait dire : "La loi nouvelle est la grâce de l’Esprit Saint" (…) Etre chrétien est avant tout un don (…)" (p.85).
Plus loin, Benoit XVI nous invite à méditer sur la trahison de Judas qui pourrait être la notre : "En Judas, nous nous trouvons face au danger qui imprègne tous les temps, qui est le danger que même ceux qui ont été une fois éclairés, à travers une série de formes apparemment minimes d’infidélité, tombent spirituellement, et ainsi, à la fin, quittant la lumière, entrent dans la nuit et ne sont plus capables de se convertir" (p.90).
Mais il faudrait constamment s’arrêter et souligner les propos du Saint Père. Ainsi, à propos de la vie éternelle : elle ne "signifie pas –comme pense peut-être d’emblée le lecteur moderne- la vie qui vient après la mort (… mais) la vie elle-même, la vraie vie, qui peut-être vécue aussi dans le temps et qui ensuite ne s’achève pas par la mort physique. C’est ce qui nous intéresse : embrasser d’ores et déjà "la vie la vraie vie, qui ne peut plus être détruite par rien, ni par personne" (p.105).
Sur la foi et l’unité, il écrit encore : "La foi est plus qu’une parole, plus qu’une idée : elle signifie entrer en communion avec Jésus Christ et, par lui, avec le Père. La foi est le vrai fondement de la communauté des disciples, la base de l’unité de l’Eglise" (p.120).
Il nous faudrait citer également des extraits des formidables passages sur le lavement des pieds, l’Eucharistie, la Passion, la Croix, la Résurrection et l’Ascension. Ainsi cette belle méditation sur le visage du Christ crucifié qui renvoie à toutes les victimes innocentes du monde… La réponse de Dieu à la souffrance n’a pas été un cri de révolte, ni une révolution, mais la Croix, dans tout son scandale : Il a pris sur lui toutes nos souffrances.
Enfin, "La Résurrection de Jésus, écrit Benoît XVI, fut l’évasion vers un genre de vie totalement nouveau, vers une vie qui n’est plus soumise à la loi de la mort et du devenir mais qui est située au-delà de cela –une vie qui a inauguré une nouvelle dimension de l’être-homme." Elle n’est pas seulement un événement singulier – comme pour Lazare – mais elle a une signification universelle : "Dans la Résurrection de Jésus, une nouvelle possibilité d’être homme a été atteinte, une possibilité qui intéresse tous les hommes et ouvre un avenir, un avenir d’un genre nouveau pour les hommes. C’est pourquoi, à juste raison, Paul a uni de manière indissociable la résurrection des chrétiens et la Résurrection de Jésus" (p.278).
Bref, il faut lire ce livre et le méditer.
L’auteur annonce que, "fidèle" à sa "promesse", il prépare "un petit fascicule" sur les récits de l’Enfance de Jésus (p.12). Vivement la suite !
Quant au lieu où les acheter, les Avignonais connaissent certainement la librairie Clément VI : c’est mieux qu’internet !
Librairie Clément VI, 3 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 84000 Avignon
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