« Il nous faut retrouver notre Ithaque »…
ainsi finit cet essai passionnant au cours duquel son auteur fait le procès de l’idéologie du mouvement. En effet, il s’agit pour l’homme moderne d’être « en marche », mais ce moyen, pris comme une fin en soi, lui fait oublier le port et le contraint à l’errance.
Ainsi, il avance au gré des modes, il est « dans le vent », persuadé que ce qui doit advenir sera forcément meilleur.
Tendu vers ce futur idéalisé, toute valeur héritée du passé tenue comme dépassée, tout désir assouvi en appelant aussitôt un autre, il s’enfonce dans une crise de sens dans tous les domaines : morale, politique, économique, écologique, anthropologique…
La morale se trouve réduite à accepter sans discernement tout ce que la technique rend possible.
La politique est réduite à administrer la transition de l’ancien au nouveau sans se poser la question de la direction à prendre en vue du Bien Commun.
L’économie, réduite au mouvement de l’échange où tout est relatif, se retourne finalement contre elle-même : il faut détruire pour remplacer indéfiniment.
De même, à force d’avoir mis les ressources de la terre au service de ses désirs,
il a mis en péril l’équilibre de la nature, et la technique n’arrive même pas à refaire ce qu’elle a défait.
Enfin, l’homme devenu lui-même objet de la technique, convaincu que celle-ci lui donnera les moyens de s’affranchir de ses limites naturelles, vit dans l’espoir d’un avenir radieux où la mort serait enfin détruite.
Mais dans un monde de vieillards immortels, ce ne serait pas la mort de la mort, mais la mort de la vie.