Dans ce livre Henri Quentin évoque Péguy, Huysman, Max Jacob, Chesterton, Jacques Maritain, Bernanos, Bloy, Claudel… écrivains qui ont choisi d’écrire ce qu’ils recevaient du Verbe, tels des gargouilles de chair, traversés par des pluies d’orage et rongés par les eaux du ciel .
En effet ce ne sont pas des écrivains rangés parce que catholiques, mais bien au contraire des amoureux, des passionnés, des écartelés à l’image de la Croix dont ils se réclament.
Tous ces écrivains ont mené en premier lieu, le combat spirituel ( aussi brutal que la bataille d’homme comme dirait Rimbaud ) contre le travail des ténèbres en eux, ce combat de l’accueil de la grâce pour qu’elle puisse travailler leur chair rebelle.
Ces convertis, pour la plupart, parlent de leur conversion comme d’une agonie ou d’une longue convalescence car le dépouillement du vieil homme prend du temps et se fait dans la douleur comme l’avoue Max Jacob.
Par ailleurs ils ont tous lutté contre les idéologies de leur temps que ce soit contre un monde athée, au scientisme arrogant et au positivisme étriqué, qui réduit le réel à l’observable comme le fit Péguy, ou contre un naturalisme qui ne voit en l’homme que la bête en oubliant sa dimension intérieure, comme le fit Huysmans s’opposant en cela à Zola .
D’autres enfin se sont élevés contre l’idolâtrie de la phrase - qui se substitue à l’amour du verbe - propagée par ces faux intellectuels dont les écrits ont finit par devenir complètement hermétiques.
Pour ces amoureux du Verbe, un texte n’est jamais une fin en soi : il n’est qu’un appel à un au delà de lui même.
Tous ces pèlerins de l’absolu vont donc accompagner le lecteur exigeant qui ne veut pas déserter ce champ de bataille intérieure, ni tomber dans le piège de la dernière idéologie à la mode .
Déjà Peguy s’insurgeait à son époque contre l’idéologie progressiste - qu’il appelait une philosophie de caisse d’épargne - contraire à la vertu d’espérance si chère à son cœur.
Il dénonçait également l’Etat moraliste : Quand donc, l’État comprendra-t-il, que ce n’est point son affaire que de se faire, philosophe, et métaphysicien ? s’insurgeait-il
Que dirait-il aujourd’hui de la tartufferie moderne de notre époque qui n’a jamais autant fait la morale en étant si immorale ?!
Huysmans dénonce quant à lui le désespoir suscité par les théories de l’absurde et le cynisme attenant qui, conscient du mal, n’y répond que par la dérision ou le ricanement.
C’est la Chair sans la Rédemption qu’on retrouve chez Maupassant et plus près de nous chez Houellebecq.
A l’opposé on trouve la Rédemption sans la chair qui est l’illusion romantique du "on ira tous au paradis" .
La Chair rachetée, c’est celle que l’on retrouve chez Bernanos qui lui, ne craint pas de fouiller l’âme humaine assiégée par les forces du mal, mais sauvées par la miséricorde divine…
Bernanos rappelle ainsi que même chez le pire des pécheurs demeure toujours une nostalgie de la pureté car l’enfant crie dans l’âme.
Chesterton de son côté se demande : Qui est le plus fou , le rationaliste ou le croyant ?
La clé de son œuvre repose sur l’opposition entre la sphère et la croix.
La sphère est une forme parfaite, mais fermée sur elle-même : elle représente « la Déesse Raison » qui à force de se prendre pour sa propre référence s’éloigne du réel et finit par devenir folle .
La Croix, signe de l’Amour, est certes tiraillement entre les extrêmes, mais elle est aussi trait d’union entre le ciel et la terre dans sa dimension verticale, et entre les hommes dans sa dimension horizontale.
C’est la fameuse Communion des Saints chère à Bernanos dont parle également Claudel
Touché d’abord par la poésie de Rimbaud, ce dernier va chercher le sens de ce symbolisme…qu’il va trouver finalement au sein du christianisme.
Il découvre en effet que tout est lié dans un merveilleux plan divin : les événements sont reliés par dessus les siècles, les êtres au delà du temps …
Enfin Léon Bloy insolent et provocateur, rappelle que la logique de Dieu est le parfait contraire de la logique du monde.
Il dénonce ainsi la tiédeur et l’hypocrisie du Bourgeois qu’il compare, bien avant Brel, au cochon qui digère tout y compris la merde.
Contre une religion molasse il prône un amour vrai et exigeant, une charité qui brûle et qui dévore.
En effet la vie chrétienne n’a rien d’un long fleuve tranquille et ne s’apparente en aucun cas à une ataraxie apathique.
Comme Peguy, Bloy préfère l’intranquillité à un pseudo bonheur anesthésiant qui repose dans une indifférence molle et tue finalement le désir.
H.Quentin écrit en introduction de son livre : les écrivains qui me touchent disent oui à Dieu ou lui disent merde ; certains font même de leur merde un oui, mais aucun ne dit peut-être.
Ainsi l’auteur nous offre une lecture tonifiante en compagnie de ses écrivains passionnés, qui réveillent et bousculent le bourgeois indifférent qui sommeille en nous.