Elle a été écrite à quatre mains, c’est-à-dire que le Pape François a bénéficié des notes de Benoit XVI pour cette troisième encyclique : après la charité (Deus Caritas Est) et l’espérance (Spe Salvi) voici la foi. Inutile de tenter de découvrir qui a écrit quoi, l’ensemble du texte est lumineux, simple, cohérent et très riche.
La forme est si limpide que l’encyclique peut se lire très vite, mais ce serait trompeur et dommage. Beaucoup de passages méritent beaucoup plus : que l’on s’y arrête, qu’on les relise et les médite pour nourrir… sa foi. Car la foi vient illuminer nos vies et notre époque enténébrées
Ainsi cet extrait de l’introduction sur la foi, la lumière qui seule édifie et illumine l’homme. « … la foi a été comprise comme un saut dans le vide que nous accomplissons par manque de lumière, poussés par un sentiment aveugle ; ou comme une lumière subjective, capable peut-être de réchauffer le cœur, d’apporter une consolation privée, mais qui ne peut se proposer aux autres comme lumière objective et commune pour éclairer le chemin. Peu à peu, cependant, on a vu que la lumière de la raison autonome ne réussissait pas à éclairer l’avenir ; elle reste en fin de compte dans son obscurité et laisse l’homme dans la peur de l’inconnu. Ainsi l’homme a-t-il renoncé à la recherche d’une grande lumière, d’une grande vérité, pour se contenter des petites lumières qui éclairent l’immédiat, mais qui sont incapables de montrer la route. Quand manque la lumière, tout devient confus, il est impossible de distinguer le bien du mal, la route qui conduit à destination de celle qui nous fait tourner en rond, sans direction » (n°3).
L’encyclique se partage en quatre parties.
La première, partant d’Abraham, notre père dans la foi -celui qui a eu confiance en son Père et qui n’a pas été déçu-, arrive à l’accomplissement de la foi en la personne de Jésus, celui qui nous sauve. Car Dieu intervient réellement dans notre histoire, voilà pourquoi la foi est histoire, elle est rencontre, elle est personnelle mais aussi ecclésiale, c’est le « nous » communautaire du peuple d’Israël, puis de l’Eglise. Elle ne peut donc jamais être réduit à un fait privé, elle a besoin de médiateurs.
La deuxième partie se concentre sur la vérité, inséparable de l’amour. La foi, la vérité, l’amour seuls nous permettent d’appréhender le réel dans sa totalité, ils éclairent la raison et illuminent la connaissance. En dehors de la foi toute connaissance sera faussée, fractionnée, réduite. Le pape François profite de ce passage pour insister sur l’écoute : la foi vient par l’écoute, mais aussi la vision, car « celui qui croit, voit » (n°1). Elle est un chemin, un approfondissement continu de Dieu, jusqu’à la vision totale. Elle est une aussi, comme le démontre cette encyclique : écrite en grande partie par Benoit XVI elle est signée par François, car le dépôt de la foi est bien le même.
La transmission de la foi est au cœur de la troisième partie. Elle est fondamentale, car « il est impossible de croire seul » (n° 39). « La foi se transmet, pour ainsi dire, par contact, de personne à personne, comme une flamme s’allume à une autres flamme. Les chrétiens, dans leur pauvreté, sèment une graine si féconde, qu’elle devient un grand arbre et est capable de remplir le monde de fruits » (n° 37). Ainsi l’évangélisation se trouve-t-elle au centre de l’encyclique. Le Pape nous offre ensuite de très belles pages sur les sacrements de l’initiation chrétienne.
Enfin, une magnifique quatrième partie nous explique que la foi en nous ouvrant à la communion nous porte nécessairement au service du bien commun (la famille, la création, etc.). La foi ne nous éloigne pas du monde, bien au contraire. « Au deuxième siècle, le païen Celse reprochait aux chrétiens ce qui lui paraissait une illusion et une tromperie : penser que Dieu avait créé le monde pour l’homme, le plaçant au sommet de tout le cosmos. Il se demandait alors :»Pourquoi veut-on que l’herbe pousse plutôt pour les hommes que pour les plus sauvages de tous les animaux sans raison ?« . »Si quelqu’un regardait du ciel sur la terre, quelle différence trouverait-il entre ce que nous faisons et ce que font les fourmis ou les abeilles ?« . Au centre de la foi biblique, se trouve l’amour de Dieu, sa sollicitude concrète pour chaque personne, son dessein de salut qui embrasse toute l’humanité et la création tout entière, et qui atteint son sommet dans l’Incarnation, la Mort et la Résurrection de Jésus Christ. Quand cette réalité est assombrie, il vient à manquer le critère pour discerner ce qui rend la vie de l’homme précieuse et unique. L’homme perd sa place dans l’univers et s’égare dans la nature en renonçant à sa responsabilité morale, ou bien il prétend être arbitre absolu en s’attribuant un pouvoir de manipulation sans limites » (n°54).
Avant de conclure en faisant appel à Marie, comme il se doit (Bienheureuse celle qui a crut), ce dernier chapitre contient de très beaux passages sur la foi et la souffrance. Comment la foi est une force de consolation sans comparaison, « parce que c’est dans la faiblesse et dans la souffrance qu’émerge et se découvre la puissance de Dieu qui dépasse notre faiblesse et notre souffrance » (n° 56).