Alors que la littérature s’est banalisée en faisant du livre un produit de consommation parmi d’autres, et que la spiritualité s’apparente de plus en plus à une recherche du développement personnel, Emmanuel Godo offre dans ce livre, une véritable plongée dans l’univers de ces passeurs d’absolus…
Réfractaires à toute servitude, mendiants du sublime, ces infatigables chercheurs de sens sont là en effet, pour rappeler à leurs contemporains qu’ils ont une âme et qu’ils ont été créés pour le vol fou qui conduit du temps à l’éternité.
Inconnus ou célèbres, chacun avec son tempérament, plus ou moins cabossés par la vie, ces vingt-cinq écrivains de toute époque allument des feux, ouvrent des brèches, soufflent sur le silence et
remettent nos vies dans le sens de la lumière au delà des ténèbres et du désespoir.
Si leur foi a des allures diverses et prend parfois des chemins de traverse, tous s’entendent néanmoins pour dire que celle-ci ne se limite pas à une religion : technique d’apaisement à l’usage des bien-portants (Jean Sullivan ), encore moins à une conviction rassurante ou à un sentimentalisme mièvre.
Cette foi qui m’étreint plus que je ne l’embrasse (Pierre Emmanuel) ne se berce pas d’illusion et n’a pas peur d’affronter le scandale du mal…ce mal au masque joyeux et effronté qui se caractérise par une répétitivité morne, par son horreur identique, nous dit Verlaine, lui dont toute la vie oscillera entre désir de rédemption et rechute sur fond de misère.
Mais c’est au plus profond de sa déréliction qu’il va trouver Dieu enseveli, ce Dieu incarné qui l’a précédé, comme bien d’autres, dans la nuit de Gethsemani.
La foi est donc un mélange de nuit et de lumière qui ne donne la joie que si elle est risquée dans une histoire vivante.
Le pire des dangers qui guette l’homme serait plutôt de s’enfoncer dans une quiétude marécageuse aux allures de sagesse, pour ne plus connaître l’intranquillité de l’espérance si chère à Bernanos.
Car c’est ce désenchantement, propre à nos contemporains, que l’écrivain dénonce comme étant le plus riche élixir du démon, son ambroisie, lui qui, selon l’abbé de Torcy dans le journal d’un curé de campagne, avoue : je suis la porte à jamais close, la route sans issue, le mensonge et la perdition.
Pascal quant à lui, rappelle que l’homme qui a perdu la conscience de Dieu est suspendu entre deux vides : un orgueil démesuré d’un côté, et un désespoir tout aussi déraisonnable de l’autre.
Et donc que
seul Jésus - étant notre frère en misère humaine et en grandeur divine - est le Dieu dont on peut s’approcher sans orgueil et sous lequel on peut s’abaisser sans désespoir.
De son coté, Soljenitsyne, s’il dénonce le mal omniprésent, reste convaincu que rien ne pourra brouiller définitivement l’image divine inscrite en l’homme…
Et cette marque indélébile, c’est l’amour : véritable boussole de notre liberté intérieure, richesse propre au christianisme, reconnaît St Exupery, qui parle par ailleurs de soif et du désir de retrouver cette source à travers les déserts de nos vies.
Si le désert est beau, c’est qu’il y a un puits quelque part,fait-il dire au Petit Prince.
La Divine Comédie parle aussi d’un itinéraire spirituel qu’il nous faut emprunter pour ne pas errer au gré de nos passions. Dante rappelle en effet que pour trouver la source de l’amour vrai en nous, il faut nous détacher du mal et purifier peu à peu notre désir - ce désir qui vient du manque inhérent à notre finitude et nous pousse donc inlassablement à la rencontre de ce manque. On croit le combler par des plaisirs vains et éphémères alors que nous sommes faits pour l’inexorable et éternel amour.
Or, comme nous avertit le philosophe Gustave Thibon, celui qui veut faire de la Terre un paradis en fait un enfer parce qu’il demande au temps d’accomplir les promesses d’éternité.