“On appelle péché, c’est-à-dire échec…, ce fait de manquer le but, ou cette absence de but, comme on dirait passer à coté (de la cible) par analogie avec ceux qui tirent à l’arc (Maxime le Confesseur, 305 B). Les Pères y ont beaucoup insisté contre les manichéens, le péché n’a pas d’être, de substance, c’est l’échec d’une relation : avec Dieu, donc avec les autres et les choses.”(p. 47).
“Je porte le vêtement de la honte,
les feuilles de figuier qui dénoncent les passions dont je suis l’esclave.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
Ma vie abandonnée aux passions idolâtres m’a revêtu d’un manteau ensanglanté.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
J’ai succombé sous l’assaut des passions destructrices et me voici livré à l’ennemi.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
A la pauvreté j’ai préféré une vie avare et cupide. Et maintenant sa pesanteur m’écrase.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
J’ai paré l’idole de ma chair du vêtement bigarré des pensées ignobles
et maintenant me voici condamné.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.”
(2e Ode, 12-16, citée p. 121).
Ce livre consacré au repentir, ne tombe cependant jamais dans le moralisme ou l’accusation morbide, bien au contraire. L’auteur traduit et commente le merveilleux canon de Saint André de Crète. Ce dernier est un très ancien poème chanté aux offices durant le carême, pétrit des saintes Ecritures, où toute la Bible (Noé, Abraham, Joseph, Moïse, David, Pierre, le publicain…) devient une annonce du Christ, mais aussi le récit de mon histoire et de celle de tout homme. Il est une véritable catéchèse qui nous invite à reconnaitre que nous avons besoin d’un Sauveur (cf. pp. 50-52).
Bref, Le chant des larmes est un bel appel à la confession de nos fautes et à la prière du cœur, un livre plein de douceur et d’espérance.
“Je ne veux pas la mort du pécheur ; mais qu’il se convertisse et qu’il vive” (Ez. 33, 11).
“Ainsi vient en l’homme une immense "douceur spirituelle", une tendresse de tout l’être, "la tendresse divine du cœur". C’est le charisme de "sympathie" qui nous fait accueillir l’autre comme une révélation, qui lui fait ainsi pressentir l’immense tendresse de Dieu. Tendresse dont l’image humaine par excellence est la Mère de Dieu, "espérance et protection de ceux qui la glorifient", "havre de ceux que ballote l’orage". "Toi qui as enfanté la joie, donne-moi le deuil du repentir par lequel je trouverai un jour ô ma Reine, la divine consolation"” (p. 94).
Signalons cependant que ce splendide livre de spiritualité est peut-être parfois un peu difficile d’accès.
L’auteur, Olivier Clément, grand théologien orthodoxe français, partait vers le Père il y a un an déjà. Issu d’une famille du sud agnostique, après une longue recherche dans l’athéisme et les spiritualités asiatiques, se convertit à trente ans, à la fin des années 1940 (cf. le récit de sa conversion dans son autobiographie l’Autre Soleil, éd. Stock, 1986). Ayant reçu le baptême dans l’Église orthodoxe, il en deviendra l’un des plus grands témoins en Occident.