Nul n’est mon intention de résumer ici l’exhortation du Saint Père, d’autant que de nombreux commentateurs s’y s’ont déjà prêtés. En revanche d’encourager « tous les fidèles » laïcs ou pas qui ne l’auraient pas encore lue à le faire : certainement. Cette longue missive, véritable retraite-programme de notre Pape est à lire et à relire absolument ! Elle va sûrement accompagner l’ensemble de l’Eglise au cours des années à venir.
Le Saint Père nous invite avant tout à la joie, une joie quotidienne mais merveilleuse, remplie de la tendresse du Père (§ . 4), car c’est à cela que nous sommes appelés en tant que fils de Dieu. Le monde quant à lui, avec sa culture de mort, nous propose un tout autre programme : la tristesse. « Bonjour tristesse » titrait prémonitoirement Françoise Sagen. Or, "il y a des chrétiens qui semblent avoir un air de Carême sans Pâques« (§. 6), car se développe très souvent »la psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en momies de musée" (§. 83)...
L’appel à l’évangélisation est l’autre ligne de force de l’exhortation ; les deux étant d’ailleurs inséparables : pas de joie sans évangélisation, ni d’évangélisation sans joie. Car "nous ne pouvons rester impassibles, dans une attente à l’intérieur de nos églises (...) il est nécessaire de passer d’une pastorale de simple conservation à une pastorale vraiment missionnaire« (§. 15) : »fidèle au modèle du maître, il est vital qu’aujourd’hui l’Eglise sorte pour annoncer l’Evangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitations, sans répulsion et sans peur" (§. 23).
Les temps actuels imposent une profonde transformation de nos cœurs mais aussi de nos paroisses. Renouvellements qui ne seront certes pas toujours faciles : François a parfois des mots très forts pour nous encourager à la conversion."La paroisse n’est pas une structure caduque ; précisément parce qu’elle a une grande plasticité, elle peut prendre des formes très diverses qui demandent la docilité et la créativité missionnaire du pasteur et de la communauté. (...) Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes. (...) Elle est communauté de communautés, sanctuaire où les assoiffés viennent boire pour continuer à marcher, et centre d’un constant envoi missionnaire" (§. 27).
Pour le Pape notre problème n’est pas un excès d’activité mais bien l’acédie pastorale (§. 82). Aussi, par exemple, encourage-t-il longuement les pasteurs à préparer leurs homélies et prédications afin d’avoir "des paroles qui font brûler les cœurs" (§§. 135 à 159).
Mais le seul signe qui permettra d’ouvrir ces cœurs à l’écoute sera celui de l’amour fraternel : "Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn 15, 12), souligne-t-il au §. 160.
La catéchèse doit être kérygmatique et mystagogique (§. 163). Le kérygme est trinitaire. Voilà sans doute le paragraphe central de cette encyclique. François écrit : "Sur la bouche du catéchiste revient toujours la première annonce : « Jésus Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer ». Quand nous disons que cette annonce est « la première », cela ne veut pas dire qu’elle se trouve au début et qu’après elle est oubliée, ou remplacée par d’autres contenus qui la dépassent. Elle est première au sens qualitatif, parce qu’elle est l’annonce principale, celle que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons et que l’on doit toujours annoncer de nouveau durant la catéchèse sous une forme ou une autre, à toutes ses étapes et ses moments. Pour cela aussi "le prêtre, comme l’Eglise, doit prendre de plus en plus conscience du besoin permanent qu’il a d’être évangélisé« (JPII, Pastore dabo vobi, §. 26) » (§. 164).
Développant ses considérations sur l’importance capitale de la catéchèse, dont l’une des caractéristiques principale est "l’initiation mystagogique" ("qui signifie essentiellement deux choses : la progressivité nécessaire de l’expérience de formation dans laquelle toute la communauté intervient et une valorisation renouvelée des signes liturgiques de l’initiation chrétienne" -§. 166-) : les paragraphes suivants mériteraient d’être cités intégralement et longuement commentés. Cela n’est pas possible ici, mais ils sont à lire, à comprendre et à faire nôtres.
Fidèle à lui-même, le Pape consacre ensuite tout le chapitre IV de son exhortation à des considérations sociales : car le kérygme a nécessairement des répercussions communautaires et envers les plus pauvres. Invoquant Saint Augustin, il fait notamment sienne ses paroles : "Comme en danger d’incendie nous courons chercher de l’eau pour l’éteindre, de la même manière, si surgit de notre paille la flamme du péché et que pour cela nous en sommes troublés, une fois que nous est donnée l’occasion d’une œuvre de miséricorde, réjouissons-nous d’une telle œuvre comme si elle était une source qui nous est offerte pour que nous puissions étouffer l’incendie« (cité §. 193). Aussi sommes -nous invités à prendre soin »de la fragilité« : »les sans-abri, les toxico-dépendants, les réfugiés, les populations indigènes, les personnes agées« (§. 210), »les enfants à naître« (§. 213), »la création" toute entière (§. 215)...
Comme déjà dit, impossible de présenter en si peu d’espace la totalité de pensée du Pape François dans son appel à faire de nous des "évangélisateurs avec Esprit (c’est-à-dire) qui prient et qui travaillent« (§. 262). Sachons pour terminer qu’il conclut en invoquant Marie, l’Etoile de la nouvelle évangélisation », afin qu’elle nous aide sur ce chemin de maturation chrétienne (§§. 284 et ss.).
De fait, "Il ne nous est pas demandé d’être immaculés, mais plutôt que nous soyons toujours en croissance, que nous vivions le désir profond de progresser sur la voie de l’Évangile, et que nous ne baissions pas les bras. Il est indispensable que le prédicateur ait la certitude que Dieu l’aime, que Jésus Christ l’a sauvé, que son amour a toujours le dernier mot. Devant tant de beauté, il sentira de nombreuses fois que sa vie ne lui rend pas pleinement gloire et il désirera sincèrement mieux répondre à un amour si grand" (§. 151)...