A peine le Pape François élu, les livres publiés en français, écrits par lui en tant que Cardinal de Buenos Aires, se sont multipliés. Parmi ceux-ci, nous vous en recommandons deux :
Le premier, "Je crois en l’homme« (Conversations avec Jorge Bergoglio, ed. Flammarion, 232 p., 16,90 euros) : où l’on retrouve avec grand plaisir les expressions frappantes reprises par lui en tant que Pape. Ainsi ses nombreux appels aux prêtres à être miséricordieux ; sur le »Dieu spray« qui n’est pas le Dieu personnel des chrétiens ; l’importance de l’examen de conscience du soir ; ou encore et surtout l’aspect fondamental d’une Eglise ouverte jusques aux »périphéries".
"Le rôle de l’Eglise n’est pas de réduire le nombre de préceptes ni de faciliter telle ou telle mesure, mais plutôt de sortir et d’aller vers les gens, de connaître chacun par son nom. (...) Une Eglise qui se contente d’administrer, qui vit repliée sur elle-même, est dans la même situation qu’une personne enfermée : elle s’atrophie au physique et au mental. Elle se détériore, comme une pièce close envahie par la moisissure et l’humidité. Une Eglise que ne parle que d’elle vit la même chose qu’une personne qui ne pense qu’à elle, elle devient paranoïaque, autiste. Il est vrai qu’en descendant dans la rue on risque, comme n’importe qui, d’avoir un accident. Mais je préfère mille fois une Eglise accidentée plutôt qu’une Eglise malade. Une Eglise qui se contente d’administrer, de conserver son petit troupeau, est une Eglise qui, à la longue, devient malade. Le berger qui s’enferme n’est pas un véritable pasteur, mais un ’peigneur’ qui passe son temps à faire des frisettes au lieu d’aller chercher de nouvelles brebis" (pp. 80-81). Il faut le dire !
Ainsi le futur Pape touche-t-il déjà par sa simplicité et ses expressions très concrètes. Il se livre librement, sans ostentation, racontant l’arrivée de ses parents en Argentine, son enfance, sa conversion et sa vocation.
Parmi tant d’autres passages, citons aussi celui où on l’entend clairement condamner la cléricalisation de l’Eglise et encourager le rôle des laïcs.
"... car il est fréquent que les curés cléricalisent les laïcs et que les laïcs demandent à être cléricalisés. Il s’agit là d’une complicité pécheresse. Ceci dit les laïcs ont un potentiel qui n’est pas toujours bien utilisé. Nous croyons que le baptême suffit pour aller vers les gens. Je pense à ces communautés chrétiennes du Japon qui sont restées sans prêtres durant plus de deux cents ans. Quand les missionnaires sont revenus, ils ont vu que tout le monde avait été baptisés, catéchisé, dûment marié à l’Eglise" (p.82). Là encore, qu’un futur Pape le dise n’est pas sans importance.
De même ce magnifique passage sur le péché et le salut : "Pour moi, se sentir pécheur est un des plus beaux sentiments qu’une personne puisse éprouver, à condition de l’assumer jusqu’au bout. (...) C’est ce que nous chantons la nuit de Pâques : "Heureuse faute, heureux péché". Quand un être prend conscience qu’il est un pécheur et qu’il est sauvé par Jésus, il s’avoue cette vérité et découvre la perle cachée, le trésor enterré. Il découvre une nouvelle dimension de la vie : il existe quelqu’un qui l’aime profondément et qui a donné sa vie pour lui. (...) Il y a des gens qui pensent être justes, qui, d’une certaine manière acceptent la catéchèse, la foi chrétienne, mais qui n’ont pas expérimenté le salut" (p. 108). On ne s’étonnera plus dès lors de l’entendre dire publiquement, une fois devenu Pape, de prier pour lui, qu’il ne soit pas soumis au péché de l’orgueil.
Le deuxième ouvrage à lire s’appelle : "Amour, Service & Humilité" (ed. Magnificat, 144 p., 14,50 euros). Il s’agit cette fois d’une retraite prêchée par le Cardinal Jorge aux évêques espagnols en 2006. On y retrouve le jésuite avec la force des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Il est vrai qu’il s’agit d’une retraite qui s’adresse à des pasteurs, mais son souffle, ses appels à l’espérance et sa condamnation de la tristesse et de la dépression toucheront tout un chacun, de même que ses constants appels à une conversion vraie et profonde.
Sur la mission, notamment, on trouvera de très beaux passages : "Le Seigneur, en nous donnant notre mission, fonde notre être. Il ne le fait pas de manière purement fonctionnelle, comme celui qui donne une occupation ou un emploi quelconque. Il le fait avec la force même de son esprit, de sorte que nous appartenons à cette mission et que note identité en est définitivement marquée" (p. 24-25).
"Le Seigneur enseigne la foule depuis la barque de Simon. Puis, Il dirige la barque vers le large, et là, Il offre à ses disciples leur première pêche miraculeuse. Devant ce prodige, Pierre se reconnaît pécheur. Et le Seigneur Lui-même le change en pêcheur d’hommes. Ainsi dans le coeur de Simon Pierre, la conversion et la mission se trouvent-elles intimement unies ! Le Seigneur accepte son "Éloigne de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur !« (v.8) mais Il le change en »Sois sans crainte ; désormais ce sont des hommes que tu prendras" (v.10). A partir de ce moment-là, Simon Pierre ne dissociera jamais plus ces deux dimensions de sa vie ; il se dira toujours pécheur et pêcheur. Ses péchés ne l’empêcheront pas d’accomplir la mission qu’il a reçue (car il ne redeviendra jamais un pécheur isolé et enfermé dans sa culpabilité). Sa mission ne le conduira pas à dissimuler son péché, sous une attitude pharisaïque" (p. 36).